Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/352

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tuant en elles ce qu’il y avait de liberté, de vraie vie, les abaissant de l’état d’homme à la sensibilité animale, à la tendresse servile du chien, à qui il faut un maître, qui veut être mené, battu, pauvre créature relative qui n’existe point en soi ?

Nous parlions en 1792 de la vieille idiote de la rue Montmartre, marmottant devant deux plâtres : « Dieu sauve Manuel et Pétion ! Dieu sauve Manuel et Pétion ! » Et cela douze heures par jour. Nul doute qu’en 1794 elle n’ait tout autant d’heures marmotté pour Robespierre.

L’amer Cévenol, Rabaut-Saint-Étienne, avait très bien indiqué que ces momeries ridicules, cet entourage de dévotes, cette patience de Robespierre à les supporter, c’était le point vulnérable, le talon d’Achille, où l’on percerait le héros. Girey-Dupré, dans un noël piquant et facétieux, y frappa, mais en passant. N’était-ce pas le sujet de comédie de Fabre qu’on fît disparaître, et pour laquelle peut-être Fabre disparut ? Et celle que le Girondin Salles écrivait caché dans la terre, au puits de Saint-Émilion, je suis bien porté à croire que ce travail acharné fut l’œuvre de la vengeance, la proscription du proscripteur, le drame du nouveau Tartufe.

Sujet bien supérieur à l’autre. Tartufe, dans Molière, est un pauvre diable qui, par un jargon mystique, abusant du nom de Dieu, trompe un imbécile. Ici Tartufe même est dieu ; l’idole, l’exploiteur de l’idole, sont même et unique chose. Idole de déraison sous le drapeau de la raison ! trompant les