Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/366

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Carnot et le Comité agissaient en politiques (pas un des historiens militaires n’a compris ceci). Ils recevaient des ouvertures de paix et croyaient avec raison que la Prusse n’agirait pas. Ils voyaient l’Autriche entrant en Pologne, très affaiblie à l’ouest par la haine des Pays-Bas. Ils croyaient n’avoir d’ennemi sérieux, acharné, que l’Angleterre. C’était le moment où la jeune marine révolutionnaire, formée par Jean-Bon Saint-André, nos vaisseaux lancés par lui, montés par leur créateur, avaient tenu trois jours de suite devant la grande flotte anglaise, suppléant la science par l’enthousiasme et, quoique avec des pertes graves, faisant entrer au port de Brest l’immense convoi américain qui venait nourrir la France[1]. La suite de cette bataille pour le Comité, c’était l’occupation des ports qui regardent l’Angleterre, Ostende, Nieuport, Anvers. Il voulait isoler l’Anglais de ses alliés et le menacer chez lui. La menace géographique, permanente, pour lui, c’est Anvers, cette position redoutable que Napoléon appelait « un pistolet visant au cœur de l’Angleterre ».

Le rêve du Comité, c’était la future descente, c’était

  1. Le prodige de ce temps de prodiges, c’est la création subite d’une marine républicaine par Jean-Bon Saint-André ! et de voir cette marine d’hier se soutenir en présence de la vieille et redoutable marine britannique !… Il faut un livre pour dire les travaux préparatoires, législatifs, matériels, l’énorme improvisation et de vaisseaux et de marins, de détails, d’organisation, le code de la discipline, celui de l’administration, celui des forêts, de la marine, etc.

    Je ne m’étonne pas que notre marine, ancienne et nouvelle, toujours fidèle au même esprit, ait soigneusement étouffé ou tourné en dérision ce grand souvenir.