Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/399

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contrait l’eau. Il était à craindre qu’on ne gâtât les puits du voisinage… On n’avait jamais enterré là que les dames de l’Abbaye, assez peu nombreuses, L’église était devenue un grenier à grains ; ces exhalaisons méphitiques ne les altéreraient-elles point ? On ne manqua pas de faire valoir encore cette considération.

La Commune, au reste, avait choisi un autre local, à la dernière extrémité du faubourg, à Picpus, près du mur d’enceinte de la barrière, où se faisaient les exécutions. C’était le jardin d’un couvent de chanoinesses. Ce bien national avait été loué à un spéculateur qui en faisait une affaire, excellente alors, fort commune, que faisaient beaucoup de gens. C’était une maison de santé, qui, pour des prisonniers riches ou favorisés, servait de maison d’arrêt ; je dis prisonniers des deux sexes, messieurs d’autrefois, grandes dames. La liberté était extrême dans ces galantes prisons ; on s’y amusait beaucoup ; l’incertitude du sort rendait les cœurs tendres. La mort était une puissante et rapide entremetteuse.

Cette maison, jusque-là fort tranquille en ce désert, se trouva fort dérangée, très cruellement surprise, quand tout à coup la Commune, « pour cause d’utilité publique », prit la moitié du jardin, l’entoura de planches, se mit à creuser des fosses. Ces pauvres suspects eurent sous leurs yeux un terrible Mémento mori, quand chaque fois arrivait le tombereau comble. Les scènes les plus funèbres s’y passaient la nuit.