Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/493

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mit sur son séant, releva ses bas, se glissa subitement en bas de la table et courut se placer dans un fauteuil. À peine assis, il demanda de l’eau et du linge blanc. Pendant tout le temps qu’il resta couché sur la table, lorsqu’il eut repris connaissance, il regarda fixement tous ceux qui l’environnaient, et principalement les employés du Comité de salut public qu’il reconnaissait ; il levait souvent les yeux au plafond ; mais, à quelques mouvements convulsifs près, on remarqua constamment en lui une grande impassibilité, même dans les instants du pansement de sa blessure, qui dut lui occasionner des douleurs très aiguës. Son teint, habituellement bilieux, avait la lividité de la mort. »

Ajoutons ici un détail de quelque intérêt. Un employé hébertiste, et des bureaux de Carnot, voyant le blessé si souffrant, mais en pleine connaissance, s’aperçut que, par moments, il se baissait avec effort et portait ses mains au jarret. Il approcha et lui détacha les boucles de jarretière de sa culotte, et abattit quelque peu ses bas sur ses mollets. Robespierre, à ce service, fît un effort pour parler et dit ces mots d’une voix douce : « Je vous remercie, Monsieur.[1] »

Ce retour inattendu au langage du vieux passé fut-il instinctif chez l’homme qui en avait gardé les formes ? ou bien crut-il la Révolution finie avec lui, la République en lui morte ? Les cinq grandes années,

  1. Cet employé, qui depuis a passé aux archives de la Guerre, a raconté ce fait a M. le général Petict, de qui je le tiens.