Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/498

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qu’on livrait aux joies de la foule. Pour les faire tenir debout, on avait attaché avec des cordes, aux barreaux des charrettes, leurs jambes, leurs bras, leurs troncs, leurs têtes branlantes. Les cahots du rude pavé de Paris devaient les briser à chaque pas.

Robespierre, la tête enveloppée d’un linge sale taché d’un sang noir, qui soutenait sa mâchoire détachée, dans cette horrible situation que nul vaincu n’eut jamais, portant l’effroyable poids de la malédiction d’un peuple, gardait sa raide attitude, son ferme maintien, son œil sec et fixe. Son intelligence était tout entière, planant sur sa situation et démêlant sans nul doute ce qu’il y avait de vrai et de faux dans les fureurs qui le poursuivaient.

Le flot de la réaction montait si vite et si fort que les Comités crurent devoir tripler les postes des prisons. Sur tout le passage des condamnés se précipitaient de prétendus parents des victimes de la Terreur, pour aboyer à Robespierre, jouer dans cette triste pompe le chœur de la Vengeance antique. Cette fausse tragédie autour de la vraie, ce concert de cris calculés, de fureurs préméditées, fut la première scène de la Terreur blanche.

L’horrible, c’étaient les fenêtres louées à tout prix. Des figures inconnues, qui depuis longtemps se cachaient, étaient sorties au soleil. Un monde de riches, de filles, paradait à ces balcons. À la faveur de cette réaction violente de sensibilité