Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/63

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montagnarde, d’écraser le génie en Fabre, de briser la plume terrible qui risquait de doubler Tartufe.

Tous les historiens jusqu’ici (sans excepter M. Thiers, plus spécial en finances) ont suivi l’accusation, copié docilement Amar et Fouquier-Tinville. Pourquoi ? Ces deux autorités étaient-elles si rassurantes ? Une autre, sans doute plus grave, était celle de Cambon, qu’on fit venir comme témoin. Le Bulletin du tribunal révolutionnaire, rédigé et arrangé chaque soir par le juge Coffinhal (qui le falsifia dans l’affaire d’Hébert), indique en effet une déposition de Cambon contre Fabre ; il ne la donne pas textuellement, de sorte qu’on ne voit pas bien en quoi elle était contre Fabre. Cette déposition unique (car il n’y eut qu’un témoin dans cette affaire immense) méritait bien, ce semble, d’être donnée mot à mot. N’importe ! toute la presse du temps copie, sans oser rien changer, l’extrait de la déposition, telle que la donne le Bulletin. Les historiens ont à leur tour suivi les journaux.

Une chose étrange pourtant et faite pour donner des doutes, c’est qu’au tribunal, quelques instances qu’ait faites l’accusé, on refusa obstinément de représenter la pièce qu’on disait falsifiée. Ce fut la première fois, depuis l’origine du monde, qu’on crut pouvoir frapper un faussaire sans montrer le faux. « Fabre (dit le Bulletin du tribunal), Fabre a demandé communication des pièces originales, prétendant que la représentation des originaux était nécessaire à sa défense. »