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C’était un grand homme sec, de teint olivâtre, dégingandé, à grands bras gesticulants et d’un geste faux, ridicule, s’il n’eût fait peur. Son signalement est celui que donne Molière de son fameux Limousin : habitude du corps grêle, barbe rare, cheveux noirs, plats, l’œil inquiet, l’air ahuri, égaré. De tels hommes sont rarement braves et très souvent furieux.

Tant qu’il ne fut pas à Nantes, toutefois il ne perdit pas l’esprit. Il écrivit de la Vendée que Merlin était l’homme indispensable à cette guerre. Il reçut avec humanité les Vendéens qui se rendaient, leur fit donner des vivres, leur parla avec douceur : c’est le témoignage que lui rend un de ses ennemis.

Il arriva à Nantes au moment de la grande terreur qu’y jeta le passage de la Loire. Tout le monde était aux retranchements qu’on achevait à la hâte. Les denrées n’arrivaient plus. Le peuple affamé voyait en face, sur l’autre rive, les brigands à mouchoirs rouges[1] qui venaient, sous son nez, lui couper les vivres, lui ôter le pain. Il trouvait dur de nourrir aux prisons ses ennemis. Dès 1792, c’était un cri populaire : « À l’eau les brigands ! » (Lettres de Goupilleau, 10 septembre 1792.)

Mme de La Rochejaquelein nous apprend qu’en octobre 1793, les Vendéens criaient de même :

  1. La pauvre ville de Cholet, si cruellement ravagée et qui un moment n’eut plus d’habitants que les chiens vivant de cadavres, avait fourni contre elle-même ces mouchoirs, insignes de la guerre civile. La fabrique des mouchoirs, populaire par toute la France, y fut, dit-on, fondée vers 1680 par les Lebreton. Au temps de la Révolution, elle fut illustrée par les Cambon (de Montpellier), nombreuse famille qui avait colonisé à Cholet.