Page:Michelet - OC, Légendes démocratiques du Nord, La Sorcière.djvu/646

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durent venir à la bastide ; on peut juger combien à contre-cœur et de mauvaise grâce. En réalité, il y avait une étrange inconvenance à faire comparaître ces femmes devant la protégée de l’évêque, si jeune et à peine remise de son délire extatique.

La situation se trouva aigrie, ridicule. Il y eut deux partis en présence, les femmes de Girard, celles de l’évêque. Du côté de celui-ci, la dame Allemand et sa fille, attachées à la Cadière. De l’autre côté, les rebelles, la Guiol en tête. L’évêque négocia avec celle-ci pour obtenir qu’elle entrât en rapport avec le carme et lui menât ses amies. Il lui envoya son greffier, puis un procureur, ancien amant de la Guiol. Tout cela n’opérant pas, l’évêque prit le dernier parti, ce fut de les convoquer toutes à l’évêché. Là, elles nièrent généralement ces extases, ces stigmates, dont elles s’étaient vantées. L’une, sans doute la Guiol, effrontée et malicieuse, l’étonna bien plus, encore en lui offrant de montrer sur-le-champ qu’elles n’avaient rien sur tout le corps. On l’avait cru assez léger pour tomber dans ce piège. Mais il le démêla fort bien, refusa, remercia celles qui, aux dépens de leur pudeur, lui eussent fait imiter Girard, et fait rire toute la ville.

L’évêque n’avait pas de bonheur. D’une part, ces audacieuses se moquaient de lui. Et, d’autre part, son succès près de la Cadière s’était démenti. À peine rentrée dans le sombre Toulon, dans son étroite ruelle de l’Hôpital, elle était retombée. Elle était précisément dans les milieux dangereux et sinistres où commença sa maladie, au champ même de la bataille que se livraient les deux partis. Les Jésuites, à qui