Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/53

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ma tête, le cerveau me tinte. Je ne puis guère inventer. Je n’ai pas d’initiative. Pourquoi ? Je t’attends toujours et ne regarde qu’en toi.

« À toi seul, l’élan, l’aiguillon, et aussi les reins, la force patiente, l’invention et l’exécution. Donc, tu seras créateur, et tu me feras un nid de ton génie et de ta force.

« Un nid ? davantage, un monde harmonique, d’ordre, de douceur et de paix, une cité de bonheur, où je ne voie plus souffrir, où je n’aie plus à pleurer, où la félicité de tous mette le comble à la mienne. Car, vois-tu, que me servirait ce doux nid si j’étais heureuse toute seule ? Si j’y souffrais de la pitié, je haïrais presque mon propre bonheur. »

Maintenant qu’elle a parlé, essayons de formuler sa pensée, faut-il dire sa loi ? Oui, c’est celle de l’Amour.

« Au nom de la femme et de par la femme souveraine de la terre, ordre à l’homme de changer la terre, d’en faire un lieu de justice, de paix, de bonheur, et de mettre le ciel ici-bas. »

« Et que me donnera-t-elle ? » Elle-même. Elle étendra son cœur à la mesure même de ton héroïsme. Fais le paradis pour les autres. Elle saura te donner le tien.


C’est le paradis du mariage que l’homme travaille pour la femme, qu’il apporte seul, qu’il ait le bonheur de fatiguer et d’endurer pour elle, qu’il lui sauve et la peine du labeur, et les froissements du monde.

Le soir, il arrive brisé. Le travail, l’ennui des