Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/88

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immonde. Telle physique, telle législation. La femme, à ce point ravalée, que sera-t-elle, sinon serve et servante de l’être plus pur qui est l’homme ? Elle est le corps, il est l’esprit.

La loi civile n’est guère moins rude. Elle déclare la femme mineure pour toujours et prononce sur elle une éternelle interdiction. L’homme est constitué son tuteur ; mais il s’agit des fautes qu’elle peut commettre, des peines qu’elle peut subir, elle est traitée comme majeure, tout à fait responsable, et très sévèrement.

C’est du reste la contradiction de toutes les anciennes lois barbares. Elle est livrée comme une chose, punie comme une personne.


« Mais la famille, du moins, est pour elle et voudrait la protéger sérieusement ? »

Je ne vois pas cela. J’ai connu bien des amis théoriques de la liberté qui, venus là, ne s’en souvenaient guère, et unissaient leurs filles, bon gré mal gré, à tel homme vieux, riche, dont elle ne voulait pas du tout.

Il est bien entendu que la faible créature ne va pas toute seule soutenir un siège contre son père, sa mère, toute sa famille. Elle se laissera faire, mener au jour fatal. Et elle y arrive bien mal préparée.

Toutes les mères se font illusion, toutes disent avec une sorte d’emphase : « Oh j’aime tant ma fille ! » Que font-elles pour elle ? Rien. Elles ne la préparent pas au mariage, ni de cœur, ni de corps.