Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avoir les charmes vulgaires auxquels tu tiens tant aujourd’hui. Tu parlais si bien d’amour pur ! Elle aurait voulu être diaphane. Elle a cru que tu désirais ici-bas un être aérien et ne lui voulais que des ailes.

Du reste, celles qui ont le moins à redouter l’épreuve, qui y arrivent plus que pures, mais innocentes, ignorantes de toutes choses, sont souvent celles qui inquiètent, alarment davantage. Tant l’homme perd l’esprit ce jour-là, souvent moins par amour que par orgueil et défiance ! Une honte touchante, un trouble nerveux, les petites peurs de femme, si naturelles en ces moments, sont sur-le-champ interprétées de la manière la plus sinistre. On se jette dans telle et telle conjecture mortifiante.

« Sans doute, elle craint cette épreuve. Elle retarde le plus qu’elle peut un aveu qu’elle n’ose faire ! »

Elle ne comprend pas d’abord ; mais, si enfin elle entrevoit ce qu’il pense, on peut juger de son indignation, de sa douleur… Elle suffoque, ne peut plus pleurer… Elle qui aimait tant, et qui lui aurait tout dit, s’il y avait eu quelque chose ; lui faire une si mortelle injure de défiance !… Il y a de quoi haïr pour toujours !

Que l’homme songe bien que, s’il juge la femme, elle le juge aussi, à ces moments. Elle est prodigieusement sensible alors, tendre, mais d’autant plus vulnérable. Elle reçoit au plus profond du cœur un trait définitif, qui fait vivre ou tue son amour.