Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’autres, les plaies d’une Église où nous sommes nés, et qui nous est chère. Pauvre vieille mère du monde moderne, reniée, battue par son fils, certes, ce n’est pas nous qui voudrions la blesser encore. Nous aurons occasion de dire ailleurs combien la doctrine catholique nous semble, sinon plus logique, au moins plus judicieuse, plus féconde et plus complète que relie d’aucune des sectes qui se sont élevées contre elles. Sa faiblesse, sa grandeur aussi, c’est de n’avoir rien exclus qui fût de l’homme, d’avoir voulu satisfaire à la fois les principes contradictoires de l’esprit humain. Cela seul donnait sur elle des succès faciles à ceux qui réduisaient l’homme à tel ou tel principe, en niant les autres. L’universel, en quelque sens qu’on prenne le mot, est faible contre le spécial. L’hérésie est un choix, une spécialité. Spécialité d’opinion, spécialité de pays. Wicleff, Jean Huss, étaient d’ardents patriotes ; le saxon Luther fut l’Arminius de la moderne Allemagne. Universelle dans le temps, dans l’espace, dans la doctrine, l’Église avait contre chacun l’infériorité d’une moyenne commune. Il lui fallait lutter pour l’unité du monde contre les forces diverses du monde. Comme grand nombre, elle contenait, elle traînait le mauvais bagage des tièdes et des timides. Comme gouvernement, elle rencontrait toutes les tentations mondaines. Comme centre des traditions religieuses, elle recevait de toutes parts une foule de croyances locales contre lesquelles elle avait peine à défendre son unité, sa perpétuité. Elle se présentait au monde telle que le monde et le temps l’avaient faite. Elle lui apparaissait