Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/17

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ces habitudes bruyantes, cet extérieur belliqueux avec une âme douce et un esprit pacifique, l’ostentation du désordre avec des mœurs pures. Certes, si quelqu’un avait rencontré Martin Luther, voyageant à pied sur la route d’Erfurth à Mansfeld, dans la troisième fête de Pâques de l’an 1503, l’épée et le couteau de chasse au côté, et se blessant lui-même de ses propres armes, il ne se serait point avisé que le maladroit étudiant dût sous peu renverser la domination de l’Église catholique dans la moitié de l’Europe.

En 1505, un accident donna à la vie du jeune homme une direction toute nouvelle. Il vit un de ses amis tué d’un coup de foudre à ses côtés. Il poussa un cri, et ce cri fut un vœu à sainte Anne de se faire moine, s’il échappait. Le danger passé, il ne chercha pas à éluder un engagement arraché par la terreur. Il ne sollicita point de dispense. Il regardait le coup dont il s’était vu presque atteint comme une menace et un ordre du ciel. Il ne différa que de quatorze jours l’accomplissement de son vœu.

Le 17 juillet 1505, après avoir passé gaiement la soirée avec ses amis à faire de la musique, il entra la nuit dans le cloître des Augustins, à Erfurth. Il n’avait apporté avec lui que son Plaute et son Virgile.

Le lendemain, il écrivit un mot d’adieu à diverses personnes, informa son père de sa résolution, et resta un mois sans se laisser voir. Il sentait combien il tenait encore au monde il craignait le visage respecté de son père, et ses ordres et ses prières. Ce ne fut, en effet, qu’au bout de deux ans que Jean Luther le laissa