Page:Michelet - OC, Mémoires de Luther.djvu/46

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l’Électeur de ne point le livrer au pape : « Veuille Votre très illustre Altesse faire ce qui est de son honneur, de sa conscience, et ne pas m’envoyer au pape. L’homme (il parle du légat) n’a certainement pas dans ses instructions une garantie pour ma sûreté à Rome. Parler en ce sens à Votre très illustre Altesse, ce serait lui dire de livrer le sang chrétien, de devenir homicide. A Rome le pape lui-même n’y vit pas en sûreté. Ils ont là-bas assez de papier et d’encre ils ont des notaires et des scribes sans nombre. Ils peuvent aisément écrire en quoi j’ai erré. Il en coûtera moins d’argent pour m’instruire absent par écrit, que pour me perdre présent par trahison. »

Ces craintes étaient fondées. La cour de Rome allait s’adresser directement à l’Électeur de Saxe. Il lui fallait Luther à tout prix. Le légat s’était déjà plaint amèrement à Frédéric de l’audace de Luther, le suppliant de le renvoyer à Augsbourg ou de le chasser, s’il ne voulait souiller sa gloire et celle de ses ancêtres en protégeant ce misérable moine. « J’ai appris hier de Nuremberg que Charles de Miltitz est en route, qu’il a trois brefs du pape (au dire d’un témoin oculaire et digne de foi) pour me prendre au corps et me livrer au pontife. Mais j’en ai appelé au futur concile. » Il était nécessaire qu’il se hâtât de récuser le pape, car, comme le légat l’avait écrit à Frédéric, Luther était déjà condamné à Rome. Il fit cette nouvelle protestation en observant toutes les formes juridiques, déclara qu’il se soumettrait volontiers au jugement du pape bien informé ; mais que le pape