Page:Michelet - Quinet - Des jésuites, 1843.djvu/194

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d’abord, il pressait, il excitait, il enflammait ; maintenant que tout est fait, il faut montrer une habile indifférence. Non, rien de plus profond, je devrais dire de plus infernal n’a été inventé, que cette patience, cette lenteur, cette froideur, au moment de saisir cet esprit qui déjà ne s’appartient plus. Il est bon, dit le Directorium, « de le laisser alors un peu respirer[1]. » Lorsqu’il a « repris jusqu’à un certain point haleine[2], » c’est le moment favorable : car il ne faut pas qu’il soit « toujours torturé[3]. » C’est-à-dire que lorsque cette âme agonisante s’est abandonnée tout entière, vous lui laissez froidement le choix[4] ; il faut que dans cet instant de répit, elle conserve précisement assez de vie pour se croire libre encore de s’aliéner pour jamais. Qu’elle rentre si elle veut dans le monde, qu’elle s’engage dans un autre ordre, si cela lui plaît mieux ; les portes lui sont ouvertes, maintenant qu’elle est enchaînée par les mille replis que l’instructeur a serrés autour d’elle ; la merveille, c’est de prétendre que ce cœur exténué recueille un reste de liberté, pour se précipiter lui-même dans l’éternelle servitude. Rassemblez tout ce

  1. Sinendus est aliquandò respirare. Directorium, p. 215.
  2. Cum deindè quodammodò respirat. Ib., p. 223.
  3. Non semper affligatur. Ib., p. 216.
  4. Electionem.