Page:Mickiewicz - Les Slaves, tome 1.djvu/278

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homérique, par exemple. Dans les œuvres des véritables poëtes épiques, rien n’est imaginaire, rien n’est arbitraire. Le merveilleux même que nous y voyons n’est qu’une décomposition, quelquefois une parodie de l’antique tradition religieuse ; ce n’est pas une invention du poëte. Le sujet est tiré de l’histoire, la disposition du poëme réside dans le sujet. On n’a qu’à se rappeler l’Iliade : ce contraste entre une ville assiégée qui défend son indépendance et un camp ennemi appuyé sur une flotte ; deux gouvernements différents, deux buts, deux actions différentes. Tout cela est de l’histoire ; le poëte n’a fait que peindre la réalité.

Dans l’épopée du mariage du fils d’Ivan, tel est aussi le mérite principal de la composition, image fidèle de la position de la Serbie et du caractère guerrier de ses habitants.

Nous avons déjà examiné les rapports politiques de ces peuples avec l’Orient et l’Occident. La poésie conçoit autrement ces rapports : la Grèce n’existe pas pour les poëtes serbiens ; ils ne connaissent que l’empereur, qu’ils représentent toujours comme un personnage grave, sage. Il n’est pas question pour eux des guerriers grecs, mais seulement de la religion grecque ; la Grèce, comme église, entre souvent en scène. Le mont Athos, cette montagne enclavée dans le pays turc, est un lieu sacré ; c’est une espèce de Delphes, de Lesbos slave. Cette montagne, comme on sait, est couverte de monastères ; elle est habitée exclusivement par-une population de moines ; on y en compte six mille. Les chefs serbiens élèvent à leurs