Aller au contenu

Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 93 —

Aiment mieux que les vieux maris, par conscience.
Longtemps leur cœur, d’abord virginal, innocent,
Des douceurs de l’amour vous est reconnaissant.
La volupté, pour eux toujours douce et nouvelle,
Est un repas d’amis où l’amour les rappelle ;
Tandis qu’un vieux buveur au sang carbonisé
Dédaigne la boisson dont il a trop usé.
Elle sait tout cela de certaine science :
Elle est femme d’esprit, femme d’expérience.

Mais que diront les gens ?… On peut fuir leur regard,
Se transporter ailleurs, vivre seuls à l’écart ;
Ou mieux encor, quitter tout à fait ces parages,
Faire à Saint-Pétersbourg quelques petits voyages,
Piloter le jeune homme en ce monde inconnu,
Le diriger, former son esprit ingénu,
Guider ses pas, l’aimer en parente, en amie,
Enfin briller soi-même… et jouir de la vie !…

Et Télimène alors d’un pas ferme et joyeux
Fait plusieurs tours d’alcôve… et puis baisse les yeux.

Mais le Comte ? Il pourrait entrer dans la famille,
Et, faute de la tante, épouser la pupille.
Zosia, sans être riche, est d’antique maison,
Et plus d ’un sénateur illustra son blason.
Si l’on pouvait entre eux conclure un mariage,
Télimène vivrait chez le jeune ménage
Un jour : et, les ayant tous deux rendus heureux,
Elle deviendrait presque une mère pour eux…

Plus calme, elle appela par la fenêtre ouverte
Zosia qui s’ébattait sur la pelouse verte.

Zosia, la tête nue, en robe du matin,
Un crible en main ; se tient au milieu du jardin.
La volaille à ses pieds se presse. Ici la poule
Huppée, allant, venant, roule comme une boule.
Là, le coq, redressant son casque de corail,
De ses ailes dans l’herbe agite l’attirail,
Et largement étend l’éperon de ses pattes ;
Puis vient le lent dindon aux couleurs écarlates,
Qui tance sa femelle au caquet glapissant ;
Plus loin comme un radeau sur les herbes glissant
Les paons vont manœuvrant leur queue, et des airs tombe