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Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/190

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Il n’a pas combattu lui-même (les canons[1]
Le lui défendent) ; mais, guidant ses compagnons,
Il courait en tous sens au milieu de la presse,
De l’œil et de la main dirigeant la noblesse.
Il les rallie encor, les groupe autour de lui :
« Sus à Rykow, dit-il, puisque le reste a fui. »
A Rykow cependant d’abord il signifie
Qu’en désarmant ses gens il peut sauver sa vie,
Mais que, s’il tarde trop à se rendre aux vainqueurs,
Robak fera cerner et hacher ses chasseurs.

L’intrépide Rykow refuse toute grâce.
Le reste des soldats autour de lui s’entasse :
« Aux armes ! » leur dit-il en montrant les fusils,
Et les fusils chargés sont aussitôt saisis.
« En joue ! » a-t-il crié : tous les canons s’allongent.
« Feu de file ! » et les coups grondent et se prolongent.
L’un vise, l’autre charge ; on entend retentir
Balles, baguettes, chiens : Rykow guide le tir.
Tout ce rang de soldats semble un reptile immense
Aux mille pieds brillants s’agitant en cadence.

Par bonheur, les soldats, ivres d’esprit de vin,
Visaient mal, et souvent leur effort était vain.
Cependant deux Maciej blessés tombent à terre
Et l’un des Bartłomiej a mordu la poussière.
Les fusils leur manquant, les nobles tirent moins
Et veulent attaquer les rangs, sabres aux poings.
« Non ! » disent les vieillards, et la grêle de balles
Qui commence à frapper les fenêtres des salles,
Siffle, blesse, fait fuir et va vider les cours.

Thadée est au logis : il y porte secours
Aux dames. Mais alors ce spectacle l’irrite.
Son sang bouillonne, il sort : le Président l’imite.
Thomas lui donne enfin son sabre[2] ; il le brandit,
Il rejoint la noblesse, à sa tête il bondit.
Il court l’arme levée : on le suit, on s’avance ;
Mais de balles sur eux une grêle s’élance.
Le Rasoir est blessé ; deux nobles tombent morts.
Pour apaiser les siens Robak fait ses efforts ;

  1. Les canons de l’Eglise, bien entendu.
  2. C’est cette fameuse karabela que le Président demande et que son domestique, Thomas, tarde toujours à lui apporter. (V. L. V.)