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Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/193

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En soldat ! » A ces mots le jeune homme répond :
« Major, il ne sied pas de faire le bravache
Quand derrière ses gens comme vous on se cache.
Je vous ai souffleté, valeureux chevalier ;
Avancez ; je vous offre un combat singulier.
Acceptez-le. Cessons une lutte homicide !
Que le sabre ou l’épée entre nous deux décide.
Seuls nous sommes en jeu. De l’épingle au canon
Je vous. laisse le choix des armes… Ou sinon… »
Il dit et tire encore, et près de Rykow blesse
Un lieutenant !… Tant il visait avec justesse.

« Major, reprend Rykow, acceptez le duel,
Et vengez-vous sur lui de cet affront mortel.
Si ce noble insolent meurt de la main d’un autre,
Rien ne pourra laver votre honneur et le nôtre.
Puisque loin du grand jour prudemment il a fui,
Il faut d’un coup d’épée en finir avec lui.
Arme à feu n’est qu’un jeu ; l’arme blanche est plus franche,
Nous disait Souvarov ; prenez votre revanche,
Major !… Bon, le voici qui tire encor sur nous !… »
— « Rykow, » dit le Major, « mon cher Rykow, c’est vous
Qui maniez le mieux l’épée. Allons, courage !
Ou bien vous, lieutenant, punissez son outrage ;
Mais moi, Major, je dois veiller sur mes soldats :
Mon poste est avec eux, je ne le quitte pas. »
Rykow à ce discours sans hésiter s’élance :
Il fait cesser le feu, réclame le silence
Et crie à son rival : « Quelle arme aimez-vous mieux ? »
Pour l’épée à la fin ils s’accordent tous deux.
Mais Thadée est sans arme ; on lui cherche une épée.
Le Comte alors survient et s’adresse à Thadée :

« Pardon, Monsieur, dit-il, pardon : c’est le Major
e Que seul vous provoquiez, non le capitaine ; or,
« Je veux punir Rykow d’avoir dans mon domaine… »
— « Le nôtre », dit Protais, qui crie et se démène.
— « Osé, » reprend le comte, « entrer comme un voleur,
Garrotter mes jockeys et ternir mon honneur.
J’ai bien puni jadis (exploit plus difficile)
A Birbante-Rocca, les brigands de Sicile. »

On se tait ; le feu cesse, et tous dans les deux camps
Ont tourné leurs regards vers les deux combattants.
Ils marchent l’un sur l’autre en détournant la face,