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Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/60

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De votre chambre, là, n’est-ce pas la fenêtre ?»
Et tout bas il pensait : étrangère aux romans,
Elle est jeune du moins, et ses yeux sont charmants.
Souvent une grande âme, en un désert éclose,
Fleurit comme en un bois s’épanouit la rose.
Que l’on porte au grand jour cette reine des fleurs,
Et tous sont éblouis de ses vives couleurs.

La jardinière alors s’est levée en silence.
Un enfant qu’elle emporte à son cou se balance
Sa main en traîne un autre, et le groupe enfantin,
S’éloigne devant elle à travers le jardin.

Bientôt se retournant : « Avant que je m’en aille,
Veuillez donc dans le blé ramener ma volaille ! »
— « La volaille ? Qui ? moi ? » dit le Comte confus.
Elle avait disparu sous les arbres touffus ;
Mais un instant encore, à travers la charmille,
On peut apercevoir un regard qui scintille.

Le Comte est resté seul, le front triste et penché.
Telle la terre, quand le soleil s’est couché,
Telle son âme est froide et se plonge dans l’ombre.
Il rêve, mais son rêve est triste, morne et sombre.
Il s’éveille… D’où vient cet air exaspéré ?
Trouver si peu de chose, avoir tant espéré !
Quand dans l’herbe il rampait vers la nymphe divine,
La tête en feu, le cœur battant dans sa poitrine,
Il voyait tant d’attraits dans cette vision,
Qu’il revêtait des fleurs de son illusion.
Quelle était son erreur ! Elle est bien de figure,
Sa taille est élancée : oui, mais quelle tournure !
Ce visage arrondi, cette vive fraîcheur
Dénote un prosaïque, un rustique bonheur :
Son esprit dort encor, son cœur est insensible,
Et comme son langage est vulgaire et risible !
« Je vois, dit-il, je sais : non, plus d’illusions !
Ma poétique Nymphe est gardeuse d’oisons. »

Avec la Nymphe, hélas ! tout ce beau paysage
Disparaît. Ces rubans, ce merveilleux treillage
D’or et d’argent, ce n’est que de la paille, hélas !

Et le Comte examine, en se tordant les bras,
Cette touffe d’ivraie avec son lien d’herbe,