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Œuvres de Millevoye.

Et je meurs ! De la vie à peine
J’avais compté quelques instants ;
Et j’ai vu comme une ombre vaine
S’évanouir mon beau printemps.
Tombe, tombe, feuille éphémère !
Et, couvrant ce triste chemin,
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais si mon amante voilée,
Aux détours de la sombre allée,
Venait pleurer quand le jour fuit,
Éveille par un faible bruit
Mon ombre un instant consolée. »
Il dit, s’éloigne… et sans retour !
Sa dernière heure fut prochaine :
Vers la fin du troisième jour,
On l’inhuma sous le vieux chêne.
Sa mère (peu de temps, hélas !)
Visita la pierre isolée ;
Mais son amante ne vint pas :
Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.


Dans la première édition des Élégies (1812), cette pièce, qui avait déjà paru dans divers recueils de poésie, offrait quelques variantes que l’auteur n’a pas conservées :

Mais c’est pour la dernière fois !
L’éternel cyprès se balance ;
Déjà sur ma tête en silence
Il incline ses longs rameaux…
Et je meurs ! De leur froide haleine
M’ont touché les sombres autans…
Mais si mon amante voilée
Vient, vers la solitaire allée,
Pleurer à l’heure où le jour fuit…
Mais son amante ne vint pas
Visiter la pierre isolée…