Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/38

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trième livre, dont on lui a contesté l’ensemble, ne contient que le panégyrique de Messala en grands vers, des fragments la plupart médiocres, et enfin telle pièce qu’on rougirait d’attribuer à Tibulle. Eh bien ! en si peu d’espace, il change quatre fois d’héroïne. Délie, Némésis, Néère et Sulpitie, ont à peine le temps de se succéder. Un tel défaut d’unité doit essentiellement nuire à l’intérêt. Il suffisait au poète de ne nommer qu’une seule femme dans ses vers, dût-il en avoir aimé plusieurs dans sa vie. La fidélité poétique n’en exige pas davantage. Properce ne mérite ni ce reproche, ni un autre encore plus grave que je me garderai bien de spécifier.

Tibulle mourut jeune: Ovide, né le même jour que Tibulle, lui survécut pour le pleurer. Il lui consacra la plus touchante de ses Élégies, celle où il s’est le plus rapproché d’un si rare modèle. Cette pièce, jointe à sa dernière nuit à Rome, et à quelques morceaux épars, est tout ce qu’on a retenu des Élégies d’Ovide, qui, à cinquante ans, exilé en Scythie, on ne sait pourquoi, trouve le secret de rassurer ses lecteurs sur son sort, tant il badine ingénieusement avec sa douleur, tant il reste fidèle à l’esprit lorsque tout l’abandonne sur la terre. Consolons-nous : Ovide, poète élégiaque, ne nous eût pas donné ses brillantes Métamorphoses, chef-d’œuvre de poésie, admirable par une qualité qu’il ne semblait point admettre, l’art de la composition.

Je ne crois pas qu’il soit arrivé à d’autres qu’au P. Le Jay de donner aux Élégies d’Ovide la préférence sur celles de Tibulle et de Properce : on voit que ce jésuite, qui écrivait ordinairement dans la langue de Quintilien, n’avait guère que cela de commun avec lui. Je préfère encore le jugement sans conséquence d’un autre commentateur qui, au lieu de caractériser le talent de Ca