Page:Millevoye - Œuvres complètes de Millevoye, I, 1837, éd. Pongerville.djvu/65

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Et je crus mourir à mon tour.
Tout ce qui m’entourait me racontait ma perte :
Quand la nuit dans les airs jeta son crêpe noir,
Mon père à ses côtés ne me fit plus asseoir,
Et j’attendis en vain à sa place déserte
Une tendre caresse et le baiser du soir.

Je voyais l’ombre auguste et chère
M’apparaître toutes les nuits;
Inconsolable en mes ennuis,
Je pleurais tous les jours, même auprès de ma mère.
Ce long regret, dix ans ne l’ont point adouci;
Je ne puis voir un fils dans les bras de son père,
Sans dire en soupirant : « J’avais un père aussi ! »
Son image est toujours présente à ma tendresse.
Ah ! quand la pâle automne aura jauni les bois,
mon père ! je veux promener ma tristesse
Aux lieux où je te vis pour la dernière fois.
Sur ces bords que la Somme arrose,
J’irai chercher l’asile où ta cendre repose :
J’irai d’une modeste fleur
Orner ta tombe respectée,
Et sur la pierre, encor de larmes humectée,
Redire ce chant de douleur.




A UN BOSQUET.


Salut , bosquet délicieux,
Planté par la main du mystère;
Toi dont le voile officieux
Rendit la pudeur moins austère
Et l’amour plus audacieux !
Qu’à tes voluptueux ombrages
L’hiver épargne ses outrages,