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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/112

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repos de la nuit. Ordinairement, les provisions viennent à manquer, et le trappeur doit se nourrir en grande partie avec la viande des animaux qu’il a tués à cause de leur fourrure. Mais, d’autre part, la forêt est si belle ! Ces pins, dont plusieurs s’élancent jusqu’à deux cents pieds de haut ; cette neige qui les couvre de ses festons et de ses guirlandes ; ce profond silence qu’interrompent rarement les cris de l’écureuil ou l’explosion des arbres que le froid fait claquer, vous laissent un sentiment de curiosité inassouvie et même d’admiration. Le grand calme, la solitude absolue et la marche continuelle à travers des bois sans fin, où l’on ne rencontre pas une trace humaine, où l’on voit rarement une créature vivante, laissent d’abord dans l’esprit une impression étrange. Le métis trappeur aime à errer seul dans la forêt ; mais Cheadle n’y résista que deux jours ; il fut oppressé par ce silence et cet isolement qui lui parurent vraiment intolérables.

Ce qui fait l’intérêt toujours nouveau de ce genre de chasse, c’est l’observation des pistes, les commentaires auxquels elles donnent lieu et la relation des coutumes variées des animaux dont nous parlait notre compagnon. Et puis, l’excitation est grande, quand on va visiter les trappes qu’on a posées. Contiendront-elles la proie désirée ! ou tous les fruits d’un pénible labeur seront-ils détruits par la malice du wolverene ! On y met de la passion.

La nuit, étendu sur une couche élastique et embaumée de branches de sapin, ayant à ses pieds un feu brillant qui dévore on entassement de grands arbres, et d’où s’élève une énorme colonne de fumée et de vapeur de neige fondante, le trappeur, roulé dans sa couverture, sommeille en paix. Parfois cependant, le froid est trop intense et le vent trop vif pour qu’une simple couverture puisse suffire. Le grand feu, tout en rôtissant une extrémité du dormeur, n’empêche pas l’autre de se geler. Alors le sommeil est impossible, ou s’il vient, on en est