Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/161

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tout en secret, la nuit le sachant, et se rangèrent en ordre avec une silencieuse circonspection, sans être aperçus.

« Dès que le bel et matinal orient apparut dans le ciel, les anges victorieux se levèrent, et la trompette du matin chanta : Aux armes ! Ils prirent leurs rangs en panoplie d’or ; troupe resplendissante, bientôt réunie. Quelques-uns du haut des collines de l’aurore, regardent alentour ; et des éclaireurs légèrement armés rôdent de tous côtés dans chaque quartier, pour découvrir le distant ennemi, pour savoir dans quel lieu il a campé ou fui, si pour combattre il est en mouvement, ou fait halte. Bientôt ils le rencontrèrent bannières déployées, s’approchant en bataillon lent, mais serré. En arrière, d’une vitesse extrême, Zophiel, des chérubins l’aile la plus rapide, vient volant et crie du milieu des airs :

« — Aux armes, guerriers ! aux armes pour le combat ! l’ennemi est près ; ceux que nous croyions en fuite nous épargneront, ce jour une longue poursuite : ne craignez pas qu’ils fuient ; ils viennent aussi épais qu’une nuée, et je vois fixée sur leur visage la morne résolution et la confiance. Que chacun endosse bien sa cuirasse de diamant, que chacun enfonce bien son casque, que chacun embrasse fortement son large bouclier, baissé ou levé ; car ce jour, si j’en crois mes conjectures, ne répandra pas une bruine, mais un orage retentissant de flèches barbelées de feu. » —

« Ainsi Zophiel avertissait ceux qui d’eux-mêmes étaient sur leurs gardes. En ordre, libres de toutes entraves, s’empressant sans trouble, ils vont au cri d’alarme, et s’avancent en bataille. Quand voici venir à peu de distance, à pas pesants, l’ennemi s’approchant épais et vaste, traînant dans un carré creux ses machines diaboliques enfermées de tous côtés par des escadrons profonds qui voilaient la fraude. Les deux armées s’apercevant, s’arrêtent quelque temps ; mais soudain Satan parut à la tête de la sienne, et fut entendu commandant ainsi à haute voix :

« — Avant-garde ! à droite et à gauche, déployez votre front,