Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/250

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haut bout de la salle, dans une royale magnificence. Il demeura assis quelque temps, et autour de lui il vit sans être vu : enfin, comme d’un nuage, sa tête radieuse et sa forme d’étoile étincelante apparurent ; ou plus brillant encore, il était revêtu d’une gloire de permission ou de fausse splendeur, qui lui avait été laissée depuis sa chute. Tout étonnée à ce soudain éclat, la troupe stygienne y porte ses regards, et reconnaît celui qu’elle désirait ; son puissant chef revenu. Bruyante fut l’acclamation ; en hâte se précipitèrent les pairs qui délibéraient : levés de leur sombre divan, ils s’approchèrent de Satan dans une égale joie, pour le féliciter. Lui avec la main obtient le silence et l’attention par ces paroles :

« Trônes, Dominations, Principautés, Vertus, Puissances, car je vous appelle ainsi, et je vous déclare tels à présent, non-seulement de droit, mais par possession. Après un succès au-delà de toute espérance, je suis revenu pour vous conduire triomphants hors de ce gouffre infernal, abominable, maudit ; maison de misère, donjon de notre tyran ? Possédez maintenant comme seigneurs un monde spacieux, peu inférieur à notre ciel natal, et que je vous ai acquis avec de grands périls, par mon entreprise ardue.

« Long serait à vous raconter ce que j’ai fait, ce que j’ai souffert, avec quelle peine j’ai voyagé dans la vaste profondeur de l’horrible confusion, sans bornes, sans réalité, sur laquelle le Péché et la Mort viennent de paver une large voie pour faciliter votre glorieuse marche ; mais moi, je me suis laborieusement ouvert un passage non frayé, force de monter l’indomptable abîme, de me plonger dans les entrailles de la Nuit sans origine et du farouche Chaos, qui, jaloux de leurs secrets, s’opposèrent violemment à mon étrange voyage par une furieuse clameur protestant devant le destin suprême.

« Je ne vous dirai point comment j’ai trouvé ce monde nouvellement créé que la renommée depuis longtemps avait annoncé dans le ciel ; merveilleux édifice d’une perfection achevée, où l’homme, par notre exil, placé dans un paradis,