Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

divine, ne serait-il pas affranchi de ces difformités ? pourquoi n’en serait-il pas exempté, par égard pour l’image de son Créateur ? »

« L’image de leur Créateur, répondit Michel, s’est retirée d’eux, quand ils se sont avilis eux-mêmes pour satisfaire des appétits déréglés ; ils prirent alors l’image de celui qu’ils servaient, du vice brutal qui principalement induisit Ève au péché. C’est pour cela que leur châtiment est si abject ; ils ne défigurent pas la ressemblance de Dieu, mais la leur ; ou si cette ressemblance est par eux-mêmes effacée lorsqu’ils pervertissent les règles saintes de la pure nature en maladie dégoûtante, ils sont punis convenablement, puisqu’ils n’ont pas respecté en eux-mêmes l’image de Dieu. »

« Je reconnais que cela est juste, dit Adam, et je m’y soumets ; mais n’est-il d’autre voie que ces pénibles sentiers pour arriver à la mort et nous mêler à notre poussière consubstantielle ? »

« Il en est une, dit Michel, si tu observes la règle : rien de trop ; règle enseignée par la tempérance dans ce que tu manges et bois ; cherchant une nourriture nécessaire et non de gourmandes délices : jusqu’à ce que les années reviennent nombreuses sur ta tête, puisses-tu vivre ainsi, jusqu’à ce que, comme un fruit mûr, tu tombes dans le sein de ta mère, ou que tu sois cueilli avec facilité, non arraché avec rudesse, étant mûr pour la mort : ceci est le vieil âge. Mais alors tu survivras à ta jeunesse, à ta force, à ta beauté devenue fanée, faible et grise. Alors tes sens émoussés perdront tout goût de plaisir pour ce que tu as. Au lieu de ce souffle de jeunesse, de gaieté et d’espérance, circulera dans ton sang une vapeur mélancolique, froide et stérile, pour appesantir tes esprits et consumer enfin le baume de ta vie. »

Notre grand ancêtre :

« Désormais je ne fuis point la mort, ni ne voudrais prolonger beaucoup ma vie, incliné plutôt à m’enquérir comment je puis le plus doucement et le plus aisément quitter cet