Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/290

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ment au sommet de quelque haute montagne. À présent les cimes des collines apparaissent comme des rochers ; les courants rapides conduisent à grand bruit leur furieuse marée dans la mer qui se retire. Aussitôt s’envole de l’arche un corbeau, et après lui une colombe, plus sûre messagère, envoyée une fois et derechef pour découvrir quelque arbre verdoyant, ou quelque terre sur laquelle elle pût poser son pied : revenue la seconde fois, elle rapporte dans son bec un rameau d’olivier, signe pacifique. Bientôt la terre paraît sèche et l’antique père descend de son arche avec, toute sa suite. Alors, plein de gratitude levant ses mains et ses pieux regards vers le ciel, il vit sur sa tête un nuage de rosée, et dans ce nuage un arc remarquable par trois bandes de brillantes couleurs, annonçant la paix de Dieu et une alliance nouvelle. À cette vue, le cœur d’Adam, auparavant si triste, grandement se réjouit, et il éclate ainsi dans sa joie :

« Ô toi, qui peux offrir les choses futures comme étant présentes, instructeur céleste, je renais à cette dernière vision, assuré que l’homme vivra avec toutes les créatures, et que leur race sera conservée. Je gémis beaucoup moins à présent de la destruction d’un monde entier d’enfants coupables, que je ne me réjouis de trouver un homme si parfait et si juste, que Dieu ait daigné faire sortir un autre monde de cet homme, et oublier sa colère. Mais dis-moi ce que signifient ces bandes colorées dans le ciel, dessinées comme le sourcil de Dieu apaisé ? Servent-elles comme une hart fleurie à lier les fluides bords de cette même nuée d’eau, de peur qu’elle ne se dissolve encore, et n’inonde la terre ? »

L’archange :

« Ingénieusement tu as conjecturé : oui, Dieu a bien voulu calmer sa colère, quoiqu’il se soit dernièrement repenti d’avoir créé l’homme dépravé ; il s’était affligé dans son cœur ; lorsque abaissant ses regards il avait vu la terre entière remplie de violence, et toute chair corrompant ses voies. Cependant les méchants écartés, un homme juste trouve tellement grâce à ses yeux qu’il s’apaise et n’efface pas du monde le genre