Page:Milton - Samson agoniste, 1860, trad. Avenel.djvu/41

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agissais de façon à provoquer en moi d’inexorables haines, au moment où j’apprendrais, comme cela était infaillible, que tu m’avais trahi ? C’est donc inutilement que tu t’efforces de couvrir la honte avec la honte ; tes vains subterfuges donnent encore plus de relief à ton crime !

DALILA.

Puisque ni chez l’homme ni chez la femme tu ne veux voir d’excuse dans la faiblesse, bien que par là tu te condamnes toi-même, apprends quels assauts je soutins avant que je consentisse et quels piéges me circonvinrent. Certes les plus intrépides, les plus fermes des hommes auraient pu, sans honte, céder à ces attaques. Non ce ne fut point l’or, comme tu m’en accuses, qui me détermina ; tu sais que les magistrats, les princes de mon peuple vinrent eux-mêmes vers moi, qu’ils me sollicitèrent, me commandèrent, me menacèrent, me pressèrent et m’adjurèrent par tous les motifs de patrie et de religion. Dans leurs instances, ils me montraient combien il était juste, combien honorable et glorieux de tromper l’ennemi commun, celui qui avait détruit un si grand nombre de nos concitoyens ; et le prêtre lui-même ne demeurait pas en arrière ; sa voix incessamment résonnait à mon oreille ; il me disait quels mérites j’acquierrais près des dieux en trompant l’impie contempteur de Dagon. Et qu’aurais-je pu opposer à des arguments si forts ? Seul et bien longtemps mon amour pour toi résista silencieusement et opiniâtrement, combattant tous