Page:Mirabeau - Hic et Hec, 1968.djvu/111

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persiennes aux trois quarts fermées, j’aperçus la belle Adèle, mollement étendue sur un lit élégant ; un corset négligemment noué par une échelle de rubans gris de lin renfermait à demi la neige élastique de son sein, son mouchoir transparent, dérangé par les mouvements de la nuit, laissait voir une fraise vermeille ; des cheveux s’échappant de dessous un bonnet en dentelle, tombaient en boucles flottantes sur son cou d’ivoire avec lequel leur couleur d’ébène contrastait merveilleusement ; une légère couverture de soie avec draps de Frise, se collant sur son beau corps, en dessinait les agréables contours. Je m’approchai d’elle avec tout l’empressement de l’amour et de la timidité qu’inspire le respect (j’étais novice encore).

« Ah ! c’est vous, monsieur, me dit-elle d’une voix qu’elle s’efforçait de faire paraître faible ; convenez que j’ai bien peu de coquetterie de vous recevoir dans l’état d’abattement où je me trouve. »

« Ah ! madame, il ajoute le plus vif intérêt à l’ivresse que vos charmes sont sûrs d’inspirer. »

« Vous me flattez, voyez comme j’ai les yeux battus. »

» Je saisis sa main que je couvris de baisers, et fixant ses yeux soi-disant battus :

« Ce n’est pas le cas, lui dis-je, où les battus payent l’amende, mon cœur qu’ils ravissent en est la preuve. »

« Et je dérobais un baiser.

« Finissez donc, monsieur, n’abusez pas de la confiance que j’ai dans votre sagesse. »