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LE RIDEAU LEVÉ


entraîner dans une tendre passion vis-à-vis d’une femme ! Il n’en est pas de même à l’égard des hommes, rien ne les y porte ; en général, ils ne manquent point de femmes, le chemin qu’ils recherchent n’est pas moins semé de dangers que celui qu’ils fuient dans les femmes ; enfin il me paraît contraire à tout, et tu dois te souvenir que c’est l’unique fois que j’aie agi de même avec Vernol. Si ce goût recherché me paraît plus que bizarre avec les hommes, ne pense pas que je le regarde de même avec les femmes ; un homme mal fourni, dans un vaste chemin, est obligé de chercher la voie étroite, pour répandre après la rosée bienfaisante dans le champ qu’il doit ensemencer ; mais il y a plus, il existe des femmes qui ne peuvent être animées que par ce moyen, et chez elles l’entrée du sentier est presque toujours exempte d’épines.

Voici donc les raisons de ma conduite avec Vernol : mon amour et ma complaisance, tous deux extrêmes pour toi, ma façon de penser exempte de préjugés, le vif désir de te plaire de toutes façons et de posséder ton affection entière, enfin la différence que je souhaitais que tu connusses entre les divers sentiments des hommes (car tu as dû juger que la passion de Vernol n’avait pour but que la jouissance) tous ces motifs m’ont fait condescendre à des désirs que tu aurais pu satisfaire à mon insu, si j’avais pris d’autres