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LE RIDEAU LEVÉ


l’après-midi chez une de ses amies, où quelque affaire devait la retenir et elle ne comptait nous mener ni l’une ni l’autre ; ma cousine me dit en particulier qu’elle devait apprendre ce jour-là quelques points nouveaux et que je pouvais aller chez des voisines ou m’occuper de mon côté, afin qu’elle ne fût point troublée ; il ne m’en fallut pas davantage. Dès qu’on fut hors de table, je fis semblant de sortir de la maison et d’aller dans le voisinage ; mais je remontai doucement dans la chambre de Justine, qui habillait ma tante, et je les prévins. Je fus me renfermer dans la chambre noire, cachée parmi les meubles, l’œil attaché sur l’ouverture que j’avais agrandie. Je ne fus pas longtemps sans voir arriver ma cousine qui prit à la main un ouvrage de broderie ; je crus alors que j’allais passer une après-midi bien ennuyeuse, je me repentis de ma curiosité, que je maudissais de tout mon cœur. Justine y vint peu de temps après avec ma tante, qui demanda où j’étais : le cœur me palpitait ; elle lui répondit qu’apparemment j’étais allée chez des petites amies de mon âge où je me rendais quelquefois ; elle ne prit pas d’autres informations, et voyant sa fille occupée, elle s’en fut et je les vis toutes deux examiner par la fenêtre si ma tante sortait. Aussitôt qu’elle fut dehors, ce que j’entendis à leurs discours, Justine ferma les verrous ; elle vint ouvrir la porte de la chambre où