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EROTIKA BIBLION

recommandables. Dégagés des mouvements inquiets de l’amour étranger, et, au physique, de l’amour-propre, ils s’assujettirent aux volontés des autres, et furent trouvés si dévoués, si commodes, que tout le monde en voulut avoir. Le plus atroce des despotismes en augmenta bientôt le nombre ; les pères, les maîtres, les souverains s’arrogèrent le droit de réduire leurs enfants, leurs esclaves, leurs sujets à cet état ambigu ; et le monde entier, qui, dans le commencement, ne connaissait que deux sexes, fut étonné de se trouver insensiblement partagé en trois portions à peu près égales.

La bizarrerie, la satiété, le libertinage, l’habitude, des motifs particuliers, une philosophie affectée ou téméraire, la pauvreté, la cupidité, la jalousie, la superstition, concoururent à cette révolution singulière ; la superstition, dis-je, car les opérations les plus avilissantes, les plus ridicules, les plus cruelles, ont été imaginées par des fanatiques atrabilaires, qui dictent des lois tristes, sombres, injustes, où la privation fait la vertu, et la mutilation le mérite.

Les Romains fourmillaient d’eunuques. En Asie et en Afrique, on s’en sert encore aujourd’hui pour garder les femmes ; en Italie, cette atrocité n’a pour objet que le perfectionnement d’un vain talent. Au Cap, les Hottentots ne coupent qu’un testicule, pour éviter, disent-ils, les jumeaux. Dans beaucoup de pays, les pauvres se mutilent pour éteindre leur postérité, afin que leurs malheureux enfants n’éprouvent pas un jour la double misère, et de périr de faim, et de voir périr les leurs. Il y a bien des sortes d’eunuques !

Quand on ne pense qu’à perfectionner la voix, on n’enlève que les testicules ; mais la jalousie, dans sa cruelle méfiance, retranche toutes les parties de la gé-