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L’ANOSCOPIE

de la terre ont cru aux magiciens, est-ce une raison pour en conclure qu’ils connaissaient l’avenir ? Et l’homme sensé pourra-t-il jamais être la dupe d’une aussi grossière supercherie ?

Que des spéculateurs aient eu l’effronterie d’accréditer cette absurdité, je le veux croire : le Deutéronome, au chap. 18, v. 11, en parle positivement. Mais qu’il existe des êtres qui ont reçu l’heureux privilège d’expliquer les mystères de la nature, voilà ce qu’il est permis de révoquer en doute, en disant avec l’ingénieux Barclay que si, à force de prédire au hasard, les prophéties se sont trouvées quelquefois accomplies, ce n’est pas ce qui doit étonner le plus, mais de voir que ces misérables charlatans, parmi un si grand nombre de conjectures qu’ils ont proférées, n’aient pas plus souvent rencontré la vérité.

Le peuple juif, beaucoup plus hébété qu’un autre, quoique peuple élu de Dieu, usait de sortilège et consultait les devins. Nous en trouvons dans l’Écriture un exemple frappant : Saül, abandonné de l’esprit de Dieu, parce qu’il avait montré un cœur compatissant envers le malheureux Agag, roi d’Amalec, son confrère, s’en fut trouver, déguisé, la pythonisse d’Endor, pour la consulter sur l’issue de sa guerre contre les Philistins. La magicienne, dit l’Écriture, évoqua l’ombre de Samuël, qui prédit à Saül sa défaite et sa mort prochaines[1]. Malgré que Rollin et les Pères de l’Église affirment que Dieu a souvent inspiré l’oracle de Delphes, il n’est pas moins vrai de dire que cette terrible prédiction n’était que d’une femme fort habile, instruite des mauvaises affaires de ce roi, et qui, possédant le secret des ventriloques, fit croire à Saul que c’était le prophète lui-même qui lui parlait.

En effet, les mots hébreux jiedoni et ob signifient connaisseur, savant et devin, noms que les Grecs traduisent

  1. Reg., cap. XXVIII, v. 7 à 21.