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EROTIKA BIBLION

Shackerley a fait cependant quelques observations, dont voici les plus singulières.

Il s’aperçut que la mémoire dans les êtres de Saturne ne s’effaçait point. Les pensées se communiquaient parmi eux sans paroles et sans signes. Point d’idiome ; par conséquent, rien d’écrit, rien de déposé ; et combien de portes fermées aux mensonges, aux erreurs ! Ces détails prodigieux, innombrables, qui nous énervent, leur étaient inconnus. Ils avaient toutes les facilités possibles pour transmettre leurs idées, pour donner une rapidité inconcevable à leur exécution, pour hâter tous les progrès de leurs connaissances ; il semblait que dans cette espèce privilégiée tout s’exécutât par instinct et avec la célérité de l’éclair.

La mémoire retenant tout, la tradition se perpétuait avec infiniment plus de fidélité, d’exactitude et de précision que par les moyens compliqués et infinis que nous accumulons, sans pouvoir atteindre à aucun genre de certitude.

Chaque corps a ses émanations ; elles sont en pure perte sur la terre : dans l’anneau, elles formaient une atmosphère toujours agissante à des distances considérables ; et ces émanations, dont Shackerley n’a pu donner une idée qu’en les comparant à ces atomes qu’on distingue à l’aide du rayon solaire introduit dans la chambre obscure, ces émanations, dis-je, répondaient à toutes les houppes nerveuses du sentiment de l’individu. Semblables aux étamines des plantes, aux affinités chimiques, elles s’enlaçaient dans les émanations d’un autre individu, lorsque la sympathie s’y rencontrait ; ce qui, comme on peut aisément le concevoir, multipliait à l’infini des sensations dont nous ne pouvons nous former qu’une image très-infidèle. Elles rendaient,