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EROTIKA BIBLION

melles tout ensemble ; mais que tous les individus de ces trois espèces avaient chacun quatre bras et quatre pieds, deux visages tournés l’un vers l’autre et posés sur un seul cou, quatre oreilles, deux parties génitales, etc. ; ils marchaient droit ; quand ils voulaient courir, ils faisaient la culbute ; leurs excès, leur insolence, leur audace les firent dédoubler ; mais il en résulta un grand inconvénient : chaque moitié tâchait sans cesse de se réunir à l’autre, et quand elles se rencontraient, elles s’embrassaient si étroitement, si tendrement, avec un plaisir si délicieux, qu’elles ne pouvaient plus se résoudre à se séparer ; plutôt que de se quitter, elles se laissaient mourir de faim.

Le genre humain allait périr ; Dieu fit un miracle ; il sépara les sexes, et voulut que le plaisir cessât après un court intervalle, afin que l’on fît autre chose que de rester collés l’un à l’autre. Il est arrivé de là, et rien n’est plus simple, que le sexe femelle, séparé du sexe mâle, a conservé un amour ardent pour les hommes, et que le sexe mâle aspire sans cesse à retrouver sa tendre et belle moitié.

Mais il est des femmes qui aiment d’autres femmes ? Rien de plus naturel encore ; ce sont des moitiés de ces anciennes femelles qui étaient doubles. De même certains mâles, dédoublement d’autres mâles, ont conservé un goût exclusif pour leur sexe. Il n’y a rien là d’étrange, quoique ces couples d’hommes réunis et désunis paraissent bien moins intéressants. Voyez combien quelques connaissances de plus ou de moins doivent donner plus ou moins de tolérance ! Je souhaite que ces idées en imposent aux moralistes déclamateurs. On peut leur citer des autorités graves ; car ce système, dont la source est dans Moïse, a été très-étendu par le