Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/129

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« Mon cher ami,

« Je désire être enterré civilement et sans pompe. J’ai vécu loin du bruit, je veux m’en aller dans le silence. Je veux surtout que l’Église ne vienne pas, par le mensonge de ses prières, rompre l’harmonie de toute une vie passée hors son culte et ses croyances.

« Vous m’avez généreusement aidé à accomplir quelques œuvres utiles aux hommes, et que je vous laisse le soin de continuer, selon les idées inscrites en mon testament. Je compte donc sur votre tolérante amitié, sur votre grand cœur pour assurer l’exécution de cette volonté suprême, quelque pénible qu’elle puisse être à votre âme de croyant, quelque contraire qu’elle soit réellement à votre caractère de prêtre catholique. Et je vous remercie.

« Louis Rouvin. »


Quand il eut fini de lire cette lettre si effrayante et si brève, M. le curé demeura anéanti. Il n’avait pas songé à cela. Il avait songé à tout, excepté à cela. Cela seul ne lui était pas venu à l’esprit. Et pourtant, cela devait être ! Cette mort était logique avec cette vie.

— Je ne peux pas !… Non, non, je ne peux pas participer à cet acte d’impiété, se dit-il.