Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/77

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— Tu aurais bien pu rester là-bas, vieille coureuse… J’ai pas de pain pour toi, j’ai rien pour toi.

— Oh ! je ne mange guère, va !… Et pour loger, une paillasse dans un coin, ça me suffira…

Le fils réfléchit un instant :

— Non ! fit-il… Retourne d’où tu viens… Nous n’avons que faire de toi, ici…

Elle supplia :

— Mon fils !… Je t’en prie !… M’en retourner !… Comment le puis-je ?… Le peu que j’avais, je ne l’ai plus… Les voyages coûtent cher, ils m’ont tout pris… M’en retourner ?… Hélas, mes jambes sont trop faibles, elles ne me porteraient pas loin…

— Elles te porteront au diable !… Va-t’en…

— Mon fils !… Si longtemps sans te voir… Et voilà comme tu me reçois !

— Ah ! fiche-moi la paix !… Va-t’en…

— Tu veux donc que je meure, dis ?

Et la vieille mère se couvrant les yeux de son tablier, sanglota lamentablement.

Mais Pelletrini venait d’avoir une idée, étrangère d’ailleurs à la menace de mort de la vieille. Il se radoucit.

— Soit, dit-il, je te garde… à une condition…

— Tout ! je ferai tout, mon enfant !…

— C’est que tu travailleras, que tu gagneras ton pain…