Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/212

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À ce moment, le petit domestique passe dans l’allée, charriant dans une brouette des pierres, de vieilles boîtes de sardines, un tas de débris, qu’il va porter au trou à ordures…

— Viens ici !… hèle le capitaine…

Et, comme sur son interrogation, je lui dis que Monsieur est à la chasse, Madame en ville, et Joseph en course, il prend dans la brouette chacune de ces pierres, chacun de ces débris, et, l’un après l’autre, il les lance dans le jardin, en criant très fort :

— Tiens, cochon !… Tiens, misérable !…

Les pierres volent, les débris tombent sur une planche fraîchement travaillée, où, la veille, Joseph avait semé des pois.

— Et allez donc !… Et ça encore !… Et encore, par-dessus le marché !…

La planche est bientôt couverte de débris et saccagée… La joie du capitaine s’exprime par une sorte de ululement et des gestes désordonnés… Puis retroussant sa vieille moustache grise, il me dit, d’un air conquérant et paillard :

— Mademoiselle Célestine… vous êtes une belle fille, sacrebleu !… Faudra venir me voir, quand Rose ne sera pas là… hein ?… Ça, c’est une idée !…

Eh bien, vrai !… Il ne doute de rien…