Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/267

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pliquée… Peut-être aurions-nous dû rester de simples voyous ?…

Et Madame grinçait :

— Parbleu ! je vois bien que cela ne te changera pas… Tu ne fais guère honneur à une femme…

Comme ils me trouvaient jolie et fort élégante à voir, mes maîtres m’avaient distribué aussi un rôle important dans cette comédie… Je devais d’abord présider le vestiaire et, ensuite, aider ou plutôt surveiller les quatre maîtres d’hôtel, quatre grands lascars, à favoris immenses, choisis dans plusieurs bureaux de placement, pour servir cet extraordinaire dîner.

D’abord, tout alla bien… Il y eut cependant une alerte. À neuf heures moins un quart, la comtesse Fergus n’était pas encore arrivée. Si elle avait changé d’idée et résolu, au dernier moment, de ne pas venir ? Quelle humiliation !… Quel désastre !… Les Charrigaud faisaient des têtes consternées. Joseph Brigard les rassura. C’était le jour où la comtesse présidait son œuvre admirable des « Bouts de cigares pour les armées de terre et de mer ». Les séances, parfois, finissaient très tard…

— Quelle femme charmante !… s’extasiait Mme Charrigaud, comme si cet éloge eût le pouvoir magique d’accélérer la venue de « cette sale comtesse » que, dans le fond de son âme, elle maudissait.