Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/84

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— En effet, madame Gouin, j’arrive de Paris…

— Ça se voit… ça se voit, tout de suite… il n’y a pas besoin de vous regarder à deux fois… J’aime beaucoup les Parisiennes… elles savent ce que c’est que de vivre… Moi aussi j’ai servi à Paris, quand j’étais jeune… j’ai servi chez une sage-femme de la rue Guénégaud, Mme  Tripier… Vous la connaissez peut-être ?…

— Non…

— Ça ne fait rien… Ah ! dame, il y a longtemps… Mais entrez donc, mademoiselle Célestine…

Elle nous fait passer, cérémonieusement, dans l’arrière-boutique où se trouvent déjà réunies, autour d’une table ronde, quatre domestiques…

— Ah ! vous en aurez du tintouin, ma pauvre demoiselle… gémit l’épicière en m’offrant un siège… Ce n’est pas parce que l’on ne me prend plus rien, au château… mais je puis bien dire que c’est une maison infernale… infernale… N’est-ce pas, Mesdemoiselles ?…

— Pour sûr !… répondent, unanimement, avec des gestes pareils et de pareilles grimaces, les quatre domestiques interpellées…

Mme  Gouin poursuit :

— Merci !… je ne voudrais pas fournir des gens qui marchandent tout le temps et crient, comme des putois, qu’on les vole, qu’on leur fait du tort… Ils peuvent bien aller où ils veulent…

Le chœur des domestiques reprend :