Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/128

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joyau. Nul n’a plus le droit d’en sentir l’originelle odeur, et tous peuvent s’en barbouiller la face sans honte.

Quoi qu’il en soit, si ceux-là qui ont charge de nous éduquer avaient la conscience de ce qu’est la beauté, s’ils comprenaient la responsabilité qu’est leur mission propagatrice, il y a longtemps qu’ils eussent choisi, dans les œuvres de cet admirable écrivain, tels paragraphes, tels chapitres ou telles phrases, pour en faire des modèles d’éloquence. Il n’y en a, nulle part, de plus impeccable et de plus superbe.

Voilà cet homme. Eh bien ! parmi les milliers et les milliers d’écrivailleurs, dont les ouvrages encombrent les rayons des libraires et les cases — j’allais dire les caves, des cervelles bourgeoises — Léon Bloy est peut-être le seul — le seul, vous entendez bien — à qui il soit interdit de vivre de son métier. Non seulement il ne peut pas en vivre, mais le miracle est qu’il n’en soit pas mort. D’autres, hélas ! et qu’il aimait, en sont morts, près de lui ! Il a connu dans ses bras l’agonie d’un pauvre enfant à qui il a été refusé que le grand talent de son père ne fût pas assez riche pour acheter les deux sous de lait pur nécessaire à son innocente et fragile vie !

Lisez la Femme pauvre. C’est un livre dont on vous dira, peut-être, qu’il est mal fait, qu’il manque d’unité, de composition, de psychologie mondaine. C’est peut-être vrai, mais lisez-le