Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/144

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— J’ai confiance tout de même ! dis-je.

— En quoi ?… Dans le miracle, alors ? Mais il n’y a que des appétits voraces, d’un côté, et de l’autre, d’irréductibles servilités.

— J’ai confiance dans la jeunesse !

— Quelle jeunesse ?… fit le vieillard en hochant tristement la tête.

— Mais la jeunesse immédiate… la jeunesse d’aujourd’hui… la jeunesse de vingt ans !

— Elle s’ignore… Elle ignore !

— Vous ne la connaissez pas…

— Des littérateurs !… des enfants !

— Et des hommes !… Ils sont bien différents de ceux qui les ont précédés… Au moins, ils se mêlent à la vie, ceux-là !… Comme leurs aînés, ils ne s’enferment point dans les pays du rêve, ni dans des tours d’ivoire… Ils ont la passion, l’amour de la justice, le culte de la beauté, la soif ardente de la liberté, le désir impérieux de l’action, des cheveux et des habits comme tout le monde. Ils sont généreux et vaillants. Leur idéal est clair, parce qu’il prend sa source dans la nature et dans la vie. Ils ont répudié le mysticisme abêtissant et les vagues symbolismes, qui glorifiaient l’Impuissance !… Plus de vierges pâles et putrides, de héros insensés ou démoniaques, plus de princesses bancales, glissant sur des nuages et des mers spiroïdaux, parmi des architecture en vermicelle, avec des lys dans la main !… Des réalités humaines, des réalisations sociales, voilà à quoi