Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/182

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ô Van Mons, et ton admirable musée où l’on tremble toujours que la Morale ne mette, sur le ventre radieusement nu de l’Ève de Van Dyck et sur la splendide et chaste Fécondité, de Jordaens, ses mains sales et son voile de boue !…

Il est bien certain que cette saisie de mon livre, dans un coin silencieux de Belgique, n’est point un événement européen et qu’elle n’apportera rien à l’histoire énorme et sanglante des Flandres… Je sais aussi qu’elle ne détournera pas l’attention publique de ce qui la sollicite le plus directement, des douloureuses péripéties de la guerre transvaalienne, par exemple. Quoique poète, je n’ai pas tant de vanité… Et si je parle de cet humble accident — car, j’ai horreur de parler de ce qui m’arrive — c’est à seule fin de dire à l’homme de justice qui détroussa mes livres, ces deux mots que voici, brièvement :

— Ô homme de la Justice et de la Loi, tu es un hypocrite. Tu sais mieux que quiconque, par ton métier et les passions qu’il dévoile et aussi qu’il engendre, ce que c’est que l’amour. Tu sais bien que ce n’est pas toujours la petite romance, la petite larme, la petite douleur, la petite fleur effeuillée aux mains des amoureux de théâtre. Tu sais que c’est une chose souvent terrible, une atroce douleur de luxure, un supplice sous lequel la pauvre humanité râle de souffrance. Et pourquoi ?… Parce que l’amour