Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/222

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figurer les Heures autrement que par des femmes nues, je vous le demande ?… Naturellement, il ne vint à l’idée de personne de protester contre la nudité, un peu rondouillarde, un peu boudinée, de ces Heures… Tout le monde, d’ailleurs, se fût esclaffé de rire… Encouragé par cet enthousiasme et par ce succès, le Fin de siècle reproduisit, fidèlement, à sa première page, cette pendule si fêtée, si acclamée… Le lendemain, il recevait une assignation en police correctionnelle, pour outrage aux mœurs… On le poursuivait pour avoir reproduit une chose officielle, nationale, qui, sous la protection du gouvernement, à toutes heures de la journée, recevait l’hommage de l’admiration universelle… Le Fin de siècle fit valoir ses raisons ; on ne voulut pas, d’abord, les entendre… Le pauvre artiste, qui avait copié de son mieux cette pendule, si morale au Petit Palais et si immorale sur le papier d’une publication périodique, fut fort maltraité par le juge d’instruction… Enfin, de discussions en menaces, les poursuites furent abandonnées…

— Allez ! dit le juge d’instruction… Vous êtes très heureux que nous soyons à l’apaisement… à l’éponge… à la joie universelle … Allez… mais… vous savez… n’y revenez pas !…

Ô brave et honnête morale, que de bêtises… et aussi… que de crimes on commet en ton nom !

1901.