Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/225

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tous une telle œuvre, pour la faire vivre, enfin, d’une vie plausible, il fallait un cerveau dont nous n’avons plus guère l’habitude, un cerveau où la conception de la science et de la philosophie s’alliât à toutes les ressources inventives, à toutes les émotions d’un art supérieur. Et je le dis avec tranquillité. Seul, parmi les écrivains de notre temps, Émile Zola, poète immense et sociologue audacieux, pouvait assumer un si énorme, un si prodigieux labeur…

L’œuvre est là, debout, devant nous. C’est une œuvre d’amour et de pacification… Et elle rayonne de lumière. Et elle vit non seulement de la vie glorieuse des chefs-d’œuvre de l’art… mais de la vie harmonieuse, immortelle, de l’idée… Soyez sûrs qu’elle fera, pour l’avènement de la société future, pour la conquête de la justice prochaine, plus que n’ont pu faire, jusqu’ici, les sèches démonstrations et les discussions hargneuses des révolutionnaires professionnels… Et c’est notre orgueil, à nous, pour qui ce nom de Zola est comme la synthèse héroïque de tout ce que nous aimons, de tout ce en quoi nous espérons, qu’il ait réussi là où tant d’autres — et je parle des plus forts — se fussent brisé les reins…

Quelques-uns diront, ont dit déjà de ce livre merveilleux et prophétique, que c’est une utopie… Une utopie… C’est bien vite dit… Et cela est facile à dire car cela dispense de réfléchir et de penser… En général, nous appelons utopies