Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/259

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véritablement, une odeur de chair. La passion qui, dans la Princesse Maleine, et dans Pelléas, balbutie de petites plaintes, discute, crie, hurle et veut dans Monna VannaMonna Vanna est une œuvre pleine, forte, qui n’a plus les douceurs évanouies de la fresque et de la tapisserie, et qui montre la rudesse des reliefs. Elle est circonscrite dans une époque précise, dans un lieu déterminé. Son action se déroule sur un repli de l’histoire… Elle a l’ampleur, la tenue sévère, la solidarité, la clarté des tragédies classiques. Et elle atteint, par bien des scènes, par une beauté violente et profonde, par la somptuosité farouche de la passion, à la splendeur des plus grands chefs-d’œuvre… Mais ici, encore, je suis tenu à une désolante réserve et à crier mon admiration, sans y joindre tous les témoignages et tous les exemples qui la pourraient, aux yeux des incrédules — car vous en avez, comme Hugo, comme Shakespeare — justifier…

Et je n’ai pas voulu autre chose, mon cher Maeterlinck, au seuil de cette semaine, qui sera toute pleine de votre nom, et tout embellie de vos œuvres, je n’ai pas voulu autre chose que de saluer d’un mot amical et fervent le Temple Enseveli, que vous m’avez dédié, Pelléas et Mélisande, à qui, autrefois, vous m’aviez fait la grande joie d’associer mon nom, et cette rouge et superbe Monna Vanna, que vous m’avez permis de lire avant les autres, et qui, si le culte de la beauté existe encore, chez nous, sera ac-