Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/87

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ne lui fasse pas ce don, quelque jour, — du moment que vous en exprimez le désir, cher Monsieur Houssaye…

— Je le souhaite… car, alors, je pourrai refaire le même voyage que fit Napoléon… Je compterai les vagues, j’interrogerai les requins, qui sont de vieux grognards, et je dirai au vent : « Parle-moi de lui, grand-père ! » Vous voyez d’ici quelle série d’intéressants témoignages je pourrais rapporter, en ces conditions…

— Ah ! vous êtes un véritable historien, cher monsieur !… ne pus-je m’empêcher de crier avec enthousiasme.

Et lui, modeste, répliqua :

— Le document !… Voilà tout !… Et c’est ce qui vous explique pourquoi Michelet ne fut pas de l’Académie, et pourquoi moi, j’en suis.

Mais la conversation, à peine commencée, ne tarda pas à languir. Je ne savais plus que dire, M. Henry Houssaye ne savait plus que répondre. Je vis l’instant critique où ce silence allait s’interposer entre nous. Je le conjurai par cette brusque interrogation :

— Dites-moi, cher monsieur, par suite de quelles extraordinaires complaisances, d’une part, de quelles extraordinaires humiliations, d’autre part, avez-vous été nommé de l’Académie française ?… Car enfin,… entre nous…

M. Henry Houssaye ne sourcilla pas et répondit :

— Je vais vous expliquer cette chose qui vous