Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/98

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en quelque sorte épique, là où d’autres, plus prudents, n’eussent atteint que le dégoût. C’est, au contraire, dans son accent de formidable exagération, de la plus belle, de la plus haute satire.

D’ailleurs, je cherche vainement quelqu’un qui soit doué, comme lui, de la faculté héroïque — plus rare qu’on ne croit — de la satire : non pas la satire essoufflée et grinçante qui salit de son rire baveux les idées qu’elle effleure et les hommes qu’elle frôle, mais la satire énorme, passionnée, qui vient des sources les plus profondes de l’enthousiasme déçu et de l’amour trahi, la satire justiciaire qui marque les faces et les choses de traits sanglants qui ne s’effaceront plus, la satire qui se hausse, comme un poème, jusqu’aux lyriques sommets du comique shakespearien. Car tout est énorme, passionné, et tout intellectuel — et cependant humain — en M. Léon Daudet, aussi bien les larmes que le rire, les idées comme les sensations, les réalités qui désespèrent, et le rêve qui, après l’exaltation de la minute divine, ne vous laisse que cette affreuse angoisse de n’avoir jamais été atteint.

Et tout cela, dans l’œuvre de M. Léon Daudet, qui est si complexe et si saisissant, offre un caractère d’improvisation torrentueuse, tant la verve éclate, se hâte, ne faiblit pas un instant, tant les idées abondent, se succèdent, grandes, riches, parées, étrangement clique-