Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/239

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mécanique, laquelle, d’ailleurs, chôme la moitié de l’année, nulle industrie n’est venue troubler son existence monotone et silencieuse de petits cultivateurs agressifs et têtus. Pourtant, sur la place de la mairie, se tenait, ce jour-là, une foule nombreuse de paysans endimanchés venus pour entendre la messe et causer, ensuite, de leurs petites affaires. La foule était plus agitée que de coutume et plus bourdonnante, car on se trouvait alors en pleine effervescence électorale… Par les passions qu’elles réveillent, les intérêts qu’elles flattent ou qu’elles contrarient, seules, les élections pouvaient donner à la ville l’illusion éphémère du mouvement et de la vie. Les murs étaient couverts d’affiches bleues, jaunes, rouges, vertes, et quelques groupes stationnaient, çà et là, devant elles, menton levé, œil rond, bouche close, mains croisées derrière le dos, sans une parole, sans un geste qui exprimât une opinion ou une préférence… À l’un des coins de la place, des paysannes attendaient, le client, accroupies devant les paniers, pleins de volailles maigres, ou bien assises devant de petits étalages de légumes qu’un soleil déjà ardent fanait… Et des camelots promenaient, sur des éventaires roulants, des marchandises inexplicables et de préhistoriques merceries… L’ami qui m’accompagnait me montra pérorant, gesticulant, au milieu d’un groupe plus nombreux, plus animé, l’un des candidats, le marquis de